Tris avant stockage ?
Trier les déchets radioactifs pour réduire le coût du stockage ?
En France, le Centre industriel de stockage géologique (CIGEO) pourrait accueillir ses premiers colis de déchets vitrifiés de Haute Activité vers 2025. Cette gigantesque installation souterraine, située près de Bure en Lorraine, resterait en exploitation une centaine d’années. Sur une telle durée d’exploitation, la nature des colis variera grâce aux progrès technologiques et aux recherches.
Les impressionnantes dimensions d’une installation de stockage comme CIGEO résultent plus de la chaleur dégagée par les colis que de la nécessité de se protéger des rayonnements émis. Une fois sous terre, la préservation des qualités de la roche hôte demande que la température ne dépasse pas 100°C. Pour limiter un échauffement de la roche, on est obligé d’espacer les colis et donc d’augmenter la taille et le coût de l’installation.
La chaleur dégagée par les déchets vitrifiés destinés au stockage décroit lentement au fil des années. Avant d’être stockés dans des couches géologiques profondes, les colis CDS-V sont entreposés et refroidis à l’air des décennies à l’usine de la Hague. Plus on allonge l’entreposage, moins les colis entreront chauds dans le site de stockage
L’exemple qui suit montre que même sans transmutation, le tri des actinides mineurs et des produits de fission offrirait des alternatives à ces longues attentes. Il permettrait de réduire la chaleur dégagée par les déchets à stocker et donc le coût du stockage.
La répartition de la chaleur dégagée par les principaux radioéléments présents dans un colis de déchet radioactif produit à la Hague et son évolution durant les 300 premières années montrent que les plus gros contributeurs à la chaleur dégagée, sont au départ le césium-137 et le strontium-90 (Fig.1). Ces deux produits de fission, dont la période radioactive est voisine de 30 ans, dominent durant le premier siècle, celui que nous vivons ! Le césium-137 est également à l’origine d’un rayonnement gamma intense émergeant des colis.
Imaginons un procédé PUREX amélioré, qui séparerait des autres déchets ces deux éléments calorifiques. On destinerait aux couches géologiques profondes des colis allégés, contenant des actinides mineurs et des produits de fission dits à vie longue dont la radioactivité et la radiotoxicité est faible. Les colis allégés du césium et du strontium, ne dégageraient plus à 35 ans d’âge que 115 W, le sixième de l’énergie du colis non allégé, l’équivalent d’une ampoule électrique ! L’emprise d’un centre de stockage étant principalement déterminée par la chaleur dégagée par les colis de haute activité au moment de leur stockage, on pourrait en enfouir bien davantage dans un centre de stockage qui pourrait être plus petit.
Des colis à part pour le césium et le strontium ?
Une telle procédure nécessiterait une amélioration du procédé de traitement des combustibles usés dans les installations de la Hague. Cette transformation mettrait à profit les recherches sur la séparation en cours qui sont avancées mais encore au stade du laboratoire. La séparation du césium et du strontium est faisable. Elle a été pratiquée lors de l’accident de Fukushima, où des eaux radioactives ont été décontaminées de ces deux radioéléments.
Que faire du césium et du strontium mis à part ? La période radioactive de ces deux produits de fission calorifiques est voisine de 30 ans. Une idée serait de les incorporer au sein d’un second colis vitrifié. Au départ ce colis serait chaud et destiné à un entreposage de longue durée. Mais en 300 ans, l’équivalent de 10 périodes, sa radioactivité et la chaleur dégagée seraient divisées par 1000. Il ne dégagerait plus qu’un watt : le colis chaud serait devenu froid ! A l’âge de 600 ans, le césium-137 et le strontium-90 seraient divisés par un million.
On pourrait se protéger des puissants rayons gamma émergeant du césium-137 en enrobant les colis de conteneurs à base de plomb. On pourrait alternativement remplir le colis avec un verre plus absorbant que le verre R7T7 des colis actuels, par exemple un verre au plomb utilisé dans des expériences au CERN. Cette matière vitreuse est capable de retenir aisément en son sein les atomes de césium et de strontium qui disparaitrpnt en peu de siècles. De plus, les effets plus diffus des rayons bêta et gamma du césium et du strontium perturbent moins la structure vitreuse que les rayons alpha des actinides mineurs.
En raison de la décroissance radioactive – un division par 1000 tous les 300 ans – renforcée par une bonne radioprotection, le colis serait devenu anodin après un long entreposage. Au prix d’un peu de science fiction, de lointains descendants sans tabous pourraient jeter le colis devenu anodin au fond d’une fosse marine, l’expédier dans l’espace intersidéral ou l’enfouir sous terre. L’expérience des verres remontés des épaves gréco-romaines montre que le verre est capable de résister à l’eau de mer au moins 2 000 ans.
NB : A l’âge de 600 ans le césium-135 un autre isotope du césium 76 000 fois moins actif que le 137, deviendrait prépondérant. Le risque présenté par ce césium-135 est négligeable. En plus de sa faible activité , le césium-135 (période 2,3 millions d’années) n’émet pas de gamma. Ses rayons bêta d’assez faible énergie seraient arrêtés par quelques cm d’eau, de matière vitreuse, ou de terre. Si le césium et le strontium n’étaient pas séparés des produits de fission, il faudrait ajouter à ce résidu la radioactivité des produits de fission à vie longue. Le colis serait moins anodin, mais sa radioactivité resterait faible.
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