Un moteur qui génèrerait plus d’essence qu’il n’en consomme
L’énergie nucléaire possède une propriété qui n’est pas ordinaire ! Un réacteur fabrique une partie de son combustible. Des réacteurs, appellés surgénérateurs, ont été conçus pour régénérer autant ou davantage de combustible qu’ils n’en consomment. Comme un moteur de voiture qui consommerait et produirait son essence !
Les conditions de la surgénération sont obtenues le plus facilement avec des neutrons rapides et un combustible très enrichi au départ en noyaux fissiles. La plupart des réacteurs surgénérateurs sont des réacteurs à neutrons rapides ou RNR.
Le combustible est régénéré par des réactions nucléaires qui transforment des noyaux non-fissiles en noyaux fissiles. Ces noyaux sont dits fertiles. Il s’agit de l’uranium-238 et du thorium-232 qui constituent la quasi totalité de l’uranium et du thorium naturel.
Un premier mode de régénération est à l’œuvre dans tous les réacteurs actuels fonctionnant à l’uranium : c’est la transformation d’uranium-238 non fissile en plutonium-239, fissile.
Le second mode est la transformation similaire de thorium-232 en uranium-233 (également fissile). Cette possibilité n’a pas été utilisée jusqu’ici. Mais il existe un projet de réacteur de quatrième génération qui utiliserait le thorium et l’uranium-233 au lieu de l’uranium et le plutonium-239.
Les réacteurs qui exploitent cette régénération sont très séduisants du point de vue énergétique, car ils tirent profit de l’uranium-238, 140 fois plus abondant que l’uranium-235. Les experts estiment que l’on pourrait ainsi multiplier d’un facteur 100 les réserves d’énergie venant du nucléaire.
L’humanité a longtemps rêvé du moteur à eau et les « surgénérateurs » lui offrent un combustible quasi-inépuisable ! Mais la surgénération est techniquement difficile. Elle requiert des neutrons rapides un combustible très enrichi en matière fissile comme le plutonium, un liquide de refroidissement très particulier comme le sodium fondu pour optimiser la capture des neutrons dans l’uranium fertile.
Une façon de procéder est d’entourer le cœur du réacteur de couvertures contenant des matières fertiles, au sein desquelles des noyaux d’uranium-238 (ou thorium-232) se transformeront par captures de neutrons en noyaux de plutonium-239 (ou uranium-233) fissiles.
Un réacteur industriel de ce type, SUPERPHENIX, a fonctionné en France. Au moment où le combustible enrichi en uranium-235 était une ressource rare, on fondait beaucoup d’espoirs sur ce type de réacteurs. Mais, en raison de problèmes technologiques, d’un pétrole bon marché et de raisons politiques et idéologiques, le développement de cette filière a été arrêté en 1997. Elle a été reprise jusqu’en 2019, date du malencontreux abandon du projet ASTRID. La Russie a pris le relais. Après le réacteur BN-600 à la Centrale de Beloyarsk, elle a connecté au réseau en octobre 2016 un réacteur de 885 MW (mégawatts) le BN-800.
Rappelons les principaux atouts des réacteurs à neutrons rapides. Ils permettraient de faire face à la raréfaction des ressources en uranium naturel prévue de survenir autour des années 2060. Par ailleurs, ils génèrent moins de déchets radioactifs qu’ils peuvent recycler et détruire.
La mise en place d’un tel parc nécessiterait une trentaine d’années.
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