Une planète tiède et clémente
Notre planète est tiède. La radioactivité contribue aux températures clémentes que nous connaissons à sa surface. Comme une bouillotte quasi éternelle, elle en a freiné le refroidissement et ainsi favorisé le maintien de la vie. La chaleur de la Terre provient pour une petite moitié des désintégrations radioactives qui se produisent au sein des roches, dans la croûte terrestre et plus profondément dans son noyau. L’autre moitié de la puissance dégagée provient principalement du très lent refroidissement de la Terre depuis sa formation, que l’on appelle refroidissement séculaire.
A la fin du XIXème siècle, le physicien britannique Lord Kelvin avait calculé à partir du flux du chaleur qui émergeait du sol que l’âge de la Terre ne pouvait pas dépasser 100 millions d’années. Mais Lord Kelvin ignorait l’existence des désintégrations d’éléments radioactifs…
L’énergie thermique provenant de l’intérieur de notre planète et émergeant du sol serait estimée à 46 mille milliards de watts (46 TW ou terawatts), dont 2 TW dégagés par les éruptions volcaniques et les tremblements de terre. En dehors des tremblements de terre et éruptions volcaniques, la majeure partie de cette énergie est dégagée d’une manière continue : c’est le flux géothermique.
Une partie de ce flux géothermique – entre 15 et 25 TW – est du à un dégagement de chaleur minime, mais constant, résultant des désintégrations d’atomes radioactifs à très longue durées de vie présents dans les roches : minime, car il n’est environ que de 0,1 watt/m2 ou 8 nW/tonne et il faudrait beaucoup de tonnes pour alimenter une ampoule électrique ; quasi constant, car ce dégagement n’a diminué que de moitié depuis la formation de la Terre.
Ce chiffre incorpore la contribution des descendants de l’uranium-238, dont le radium, qui sont en équilibre radioactif, et dont les désintégrations généralement alpha conduisent à un dégagement de chaleur similaire. Au total la prise en compte de la descendance revient à multiplier par 10 le dégagement du seul uranium-238. Il en va de même pour l’uranium-235 et le thorium-232.
En sus de ces dégagements de chaleur minimes, les teneurs des roches en éléments radioactifs sont faibles. Mais les quantités sont énormes à l’échelle de la Terre. On estime à 50 000 et 160 000 milliards de tonnes les quantités respectives d’uranium et de thorium dans la croûte et le manteau terrestre. Selon cette estimation, l’uranium seul dégagerait l’énergie électrique produite par 4620 centrales nucléaires de 1 Gigawatt.
De cette chaleur, seule une faible proportion s’échappe en raison des dimensions du globe terrestre. La radioactivité provenant des isotopes 235 et 238 de l’uranium, du thorium 232 et du potassium 40 a diminué depuis la période primitive puisque des éléments radioactifs à plus courte durée de vie ont disparu depuis longtemps. Le débit de chaleur, qui est de l’ordre de quelques milliardièmes de watts (nW) par tonne pour l’uranium et le thorium, est plus faible pour le potassium parce que cet élément contient très peu de potassium-40 radioactif (0.0117 %), bien que le potassium soit plus abondant dans la croûte terrestre.
L’énergie géothermique fait partie des énergies renouvelables dont il est question aujourd’hui. Peut-on exploiter cette source considérable présente dans la Terre, dont une partie est d’origine radioactive ? Cette énergie est généralement trop dispersée pour être récupérée : Le flux géothermique de 80 milliwatt par mètre carré nécessiterait une surface de 1000 m2 pour alimenter une ampoule de 80 watts ! Par contre, on cherche à utiliser la chaleur accumulée dans des eaux profondes pour du chauffage urbain comme dans le Bassin Parisien, où même dans des régions volcaniques pour produire de l’électricité à partir de la vapeur comme en Islande.
Le lecteur intéressé pourra consulter l’excellent article, La chaleur de la Terre et la géothermie, par Pierre Thomas, ENS Lyon – Laboratoire de Géologie de Lyon, 2014