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200 millions d’électronvolts !

La fission d’un noyau d’uranium ou de plutonium libère une grande quantité d’énergie. Ce dégagement est dû à une variation de l’énergie de masse des noyaux au cours de la fission. Les nucléons d’un noyau d’uranium sont moins liés que ceux des produits de fission qui sont des noyaux de taille moyenne. L’énergie de liaison d’un nucléon dans un noyau d’uranium-235 est de 7,6 millions d’électronvolts (MeV) , alors qu’elle est de 8,4 MeV dans ses fragments.

Équivalence masse-énergie : E = mc2
Un noyau d’uranium-235 qui subit une fission après avoir capté un neutron est légèrement plus lourd que les produits de cette fission et les neutrons secondaires. Cette différence de masse est faible mais significative (0,2 %). Elle se retrouve (multipliée par le carré de la vitesse de la lumière) sous la forme des 200 millions d’électronvolts d’énergie libérés dans une fission, une énergie énorme comparée à celles dégagées dans des réactions chimiques.
© Jean-Marc Faday (CNRS/Images-Média)

Cette différence équivaut à une libération d’énergie de 0,8 MeV par nucléon qui est multipliée, dans le cas de l’uranium-235, par 235 le nombre de nucléons présents dans le noyau fissile. On libère ainsi 200 millions d’électronvolts, 50 fois plus que la désintégration alpha du même noyau.

Sur un grand nombre de fissions, l’énergie libérée se répartit comme suit :

Énergie cinétique des fragments de fission 165 MeV ;
Énergie cinétique des photons gamma 6 MeV ;
Énergie cinétique des neutrons 5 MeV ;
Radioactivité gamma et bêta des produits de fission 11 MeV ;
Énergie (invisible) des neutrinos 13 Mev ,

sur un total de 200 MeV.

Carte des noyaux et énergies de liaison
Cette carte des noyaux est coloriée en fonction de l’énergie de liaison par nucléon (énergie à fournir pour extraire un nucléon). Plus cette énergie est grande, plus le noyau est solide. Les noyaux les plus stables occupent le fond d’une sorte de cuvette (en noir) au voisinage du Fer-56. L’uranium-235 avec 133 neutrons et 92 protons est située au sein de la zone orange la plus éloignée de la stabilité. Les deux fragments de sa fission avec 40 à 50 protons, se trouvent dans les zones plus stables, bleues ou vertes. En se rapprochant de la cuvette, les 235 nucléons de l’uranium libèrent chacun 0,8 MeV, qui se retrouvent finalement sous la forme des 200 MeV d’énergie cinétique emportée par les produits de fission.
© NUCLEUS

Qui dit variation d’énergie interne, dit aussi variation des masses d’après la relation d’Einstein E=mc2.

Le dégagement d’énergie de 200 MeV, impressionnant à l’échelle de l’atome, se traduit par une diminution de la masse des fragments par rapport au noyau.

Cette perte de masse est petite – environ un millième – mais mesurable. Les résidus d’une tonne d’uranium-235 qui a fissionné ne pèsent que 999 kilogrammes.

La fission d’un noyau d’uranium-235 libère la même énergie que la combustion de 33 millions d’atomes de carbone, la combustion d’un atome individuel ne dégageant que 6 électronvolts (eV). Ramené à 1000 tonnes de charbon, le défaut de masse des produits de combustion n’est que de 0,53 gramme : une quantité imperceptible. L’écart est encore plus grand avec les énergies venant du vent et du soleil, mais la comparaison est difficile, car ces énergies sont diffuses et intermittentes.

La quantité d’énergie d’origine nucléaire pourrait même être multipliée par 100 avec des réacteurs capables de brûler tout l’uranium et le thorium. Le facteur énorme de 33 millions par rapport à la houille et au pétrole est compensé par la rareté de l’uranium-235 et le fait que cette source d’énergie ne se miniaturise pas (le plus petit réacteur est celui d’un sous-marin).

Un regard de physicien sur le problème de l’énergie , par Jean-Pierre Revol