Corée du Nord
Un pays coupé du monde qui souffle le chaud et le froid …
La République Populaire de Corée (DRPK) constitue un cas d’école de prolifération nucléaire. La DRPK est la seule des trois nations classées dans l’axe du mal par le président américain George W Bush en 2002 a avoir sciemment et au vue de tous développé l’arme atomique. Non pour s’en servir mais pour que son régime soit respecté et assure sa survie. La Corée elle-même n’est pas menacée ou impliquée dans le terrorisme. Elle est située dans une région politiquement stable, avec une frontière commune avec la Chine qui fut longtemps sa protectrice et sa puissante voisine qui au nom de la solidarité idéologique cherche à l’aider et possède un important parc de réacteurs.
Malgré son qualificatif de république populaire, la DRPK vit sous un curieux régime de pseudo-monarchie. À Kim-Il-Sung, symbole et héros de la résistance communiste lors de la guerre de Corée (1950-52), a succédé en 1993 son fils Kim-Jong-Il, personnage secret et falot qui a servi probablement de façade à une dictature militaire. À sa mort en 2010, Kim-Jong-Il est remplacé par Kim-Jong-Un, alors âgé de 30 ans. C’est cette curieuse monarchie qui règne, coupée du monde pour assurer sa survie. Ses 25 millions d’habitants, la moitié de sa voisine du sud, ont été souvent plongés dans la misère et des famines dont l’écho assourdi nous parvient.
Contrairement à l’Iran dont les dirigeants ne cessent de répéter que le programme est uniquement civil, la Corée du Nord a toujours affiché son intention d’acquérir la bombe atomique. La course à la bombe coréenne est passée par de nombreuses vicissitudes avec des alternances de rentrées et de sorties du Traité de Non-Prolifération. C’est ainsi que de 1994 à 1999, sous l’administration Clinton, la DRPK s’était engagée à geler son programme d’armement nucléaire, en échange d’une offre de coopération économique qui incluait un contrat de construction de deux réacteurs civils. Mais après son classement dans l’axe du mal, tout se gâte et les ponts sont rompus. Les inspecteurs de l’AIEA (Agence Internationale de l’Énergie Atomique) sont expulsés fin 2002 et la Corée du Nord réactive ses installations nucléaires, en dehors de tout contrôle en vue d’aller à la bombe.
Quatre ans après, le 9 octobre 2006, Pyongyang procède à son premier essai nucléaire. Les circonstances de l’explosion, sa puissance sont mal connues. La puissance de l’explosion semble avoir été faible d’après les données recueillies dans les pays limitrophes. Mais après son entrée symbolique dans le « club » des nations détentrices de l’arme nucléaire, la Corée du Nord se fait conciliante et accepte l’inspection de ses installations et leur démantèlement en échange d’une aide économique.
Ce sont l’irritation de la Chine et les pressions de cette grande puissance, ultime allié et protecteur, plus sans doute que les sanctions, qui sont à l’origine du revirement auquel on assista alors avec le retour des inspecteurs, la visite des installations par des américains et leur démantèlement programmé.
La crise illustre l’importance d’inspections sérieuses pour prévenir la prolifération nucléaire. L’expérience de la Corée du Nord qui avait expulsé les inspecteurs de l’AIEA montre comment un pays dénué de tout, a réussi en l’absence de surveillance à fabriquer avec un petit réacteur les quelques kilogrammes de plutonium militaire nécessaires pour fabriquer et faire exploser une bombe atomique.
Les années 2008 et 2009 sont marquées par une suite de revirements. Après avoir démantelé certaines de ses installations et réadmis les inspections de l’AIEA, la Corée du Nord était sur le point d’être retirée de la liste des pays “sponsorisant” le terrorisme. Mais en septembre 2008, arguant de promesses américaines non tenues, Pyong-Yang reprit le traitement du plutonium. Le 25 mai 2009, la Corée du Nord effectua un second essai nucléaire souterrain.
La Corée du Nord a effectué son quatrième essai d’arme nucléaire au début 2016, suivi d’un cinquième le 9 septembre 2016. Ce dernier est le plus puissant effectué à ce jour. Ces essais et les tests de missiles qui les accompagnent violent les sanctions imposées par l’ONU et diverses grandes puissances.
L’IAEA n’a plus d’accès aux installations après avoir été éjectée du pays en 2009. Les photos récentes par satellite indiquent la poursuite d’activités sur le site du réacteur de Yongbyon, d’autres liées au retraitement ainsi qu’une extension des installations d’enrichissement.
Une brève lune de miel …
En septembre 2017 à la tribune de l’ONU, le président américain Donald Trump qualifia son homologue nord-coréen d’homme-fusée, menaçant de « détruire totalement » la Corée du Nord. Mais un an plus tard, c’est une brève lune de miel. Donald Trump et Kim-Jong-Un se serrèrent amicalement la main à Singapour. Les deux Corées défilèrent ensemble lors de la cérémonie d’ouverture des jeux olympiques d’hiver à Pékin en 2018.
La lune de miel s’arrêta, après une rencontre infructueuse à Hanoï les 27 et 28 février 2019. Des manœuvres sud-coréennes et américaines près de la ligne de démarcation du 37ème parallèle alimentèrent la tension. Après 2019, la confrontation reprit. Pyongyang développa des missiles capables de transporter des armes nucléaires, procédant en mer du Japon à plusieurs essais de missiles balistiques. En 2022, la Corée du Nord testa un nombre record record de missiles dont certains, comme les Hwasong-14 à 17, seraient à même d’atteindre les États-Unis. En 2024, elle dévoila l’existence d’installations d’uranium très enrichi, constitutif des armes nucléaires.
Les photographies des installations de centrifugeuses rappellent celles dont il fut question pour l’Iran en 2015-2016. L’Iran avait alors le savoir-faire et les compétences pour aller jusqu’à la Bombe, mais il ne l’a pas fait. La Corée du Nord avait moins de moyens, mais malgré les pénuries et l’isolement, d’aller jusqu’à l’arme atomique était pour le régime nord-coréen la garantie de sa sûreté et un moyen de survie.
N Korea’s Yongbyon plutonium site likely reactivated says IAEA – Article de la BBC: 7 juin 2016
North Korea: what missiles does it have? – Article de la BBC: 5 septembre 2023
Carte des installations nucléaires de la Corée du Nord
Les autres articles sur le sujet « Prolifération nucléaire »
Prolifération : uranium 235
Uranium de qualité militaire : enrichissement et centrifugeuses Pour la voie de l’uranium, [...]
Prolifération : plutonium 239
Extraire du plutonium 239 à partir du combustible usé Pour la voie de du plutonium, la clef de la[...]
Nucléaire iranien
Atome civil ou course à la bombe ? La crise du nucléaire iranien aurait dû trouver son épilogue a[...]
Accord Nucléaire Iranien
Un accord historique L’accord signé le 14 juillet 2015 entre l’Iran et les grandes pu[...]
Natanz : enrichir l’uranium
Enrichir l’uranium : pour des réacteurs ou pour la bombe ? La crainte que le programme nucl[...]
Centrifugeuses iraniennes
Difficultés techniques : centrifugeuses IR-1 et IR-2 L’enrichissement de l’uranium nécessite un g[...]
DPRK : une chronologie
… UNE CHRONOLOGIE de 1993 à 2007 … Cette chronologie est un résumé d’une chrono[...]
Risques de détournement
Prévenir le risque : Sam Nunn et Richard Lugar S’il est difficile de fabriquer de l’u[...]