Natanz : enrichir l’uranium
Enrichir l’uranium : pour des réacteurs ou pour la bombe ?
La crainte que le programme nucléaire iranien ne cache une course à l’armement atomique s’est focalisée autour de la question de l’enrichissement de l’uranium, une activité ambiguë qui peut avoir des fins civiles aussi bien que militaires. Après 2005, l’Iran refusa de suspendre cet enrichissement malgré les résolutions du Conseil de Sécurité de l’ONU qui réclamaient sa suspension avant toute négociation.
En temps ordinaire, l’enrichissement pour des usages civils est autorisé par le traité de non-prolifération dont l’Iran est signataire – à condition qu’il soit contrôlé par l’AIEA. En dehors des nations du club atomique détentrices de l’arme nucléaire, cet enrichissement est pratiqué ou a été pratiqué par des pays comme l’Argentine, l’Afrique du Sud, le Brésil, le Japon.
Du fait de l’embargo dont il était l’objet de la part des États-Unis, l’Iran avait dissimulé ses recherches sur l’enrichissement. Après la découverte d’activités clandestines en 2002, l’Iran revendiqua son droit à l’enrichissement à des fins civiles dans le cadre du traité de non-prolifération. Il soumit alors ses activités au régime renforcé d’inspections de l’AIEA prévu par un protocole additionnel du traité.
Pourquoi l’Iran s’obstinait-il à maîtriser l’enrichissement de l’uranium ? S’il n’était pas mis en quarantaine, il lui serait tellement plus facile de s’approvisionner en combustible nucléaire auprès des pays développés ! La république islamique recherchait-elle la bombe sous couvert de nucléaire civil ? L’accusation était facile à vendre auprès d’opinions occidentales promptes à faire l’amalgame entre islam et terrorisme !
En Iran, les dirigeants répètent que le programme est uniquement pacifique. L’occident envié pour sa démocratie a laissé des souvenirs douloureux : le pillage autrefois du pétrole, le soutien à l’agression de l’Irak, un avion civil abattu dans le golfe, l’embargo, des sanctions … Le pays est l’objet de menaces, d’ultimatums qui entretiennent la méfiance. C’est une des raisons profondes de l’obstination iranienne à vouloir enrichir l’uranium. Les dirigeants craignent de se livrer pieds et poings liés à leurs ennemis pour leur programme.
Civil ou pas civil ? Qu’en est-il ? Bien que réduites du fait des sanctions, les inspections de l’AIEA n’avaient pas mis en évidence à ce jour des activités militaires sur les sites déclarés. Selon un rapport des services de renseignement américains qui fit du bruit en novembre 2007, l’Iran aurait arrêté en 2003 (mais pourrait reprendre) un programme militaire.
Rapport des services de renseignement américains (Novembre 2007)
Ce rapport fut mis à l’époque sous le boisseau par les partisans de la manière forte. Pourtant une condamnation qui ne s’appuierait pas sur des preuves solides aurait un relent désastreux dans les pays émergents. La prudence n’exclut pas la vigilance : l’ultracentrifugation étant 20 fois moins gourmande en électricité que la diffusion gazeuse, les installations sont plus faciles à dissimuler. Les inspections de l’AIEA et le recours au renseignement sont essentiels. Hélas après les sanctions votées en 2006, le régime des inspections renforcées du protocole additionnel du traité de non-prolifération (TNP) fut abandonné, avant d’être repris en 2016.
Conditionner des négociations à la suspension de l’enrichissement est-il une bonne approche ? Dans le passé, l’Iran a fait ce geste sans résultats. L’approche d’une négociation sans préalables de l’administration Obama aurait pu contribuer à surmonter le mur de méfiance qui s’est érigé entre les parties. Mais les puissances occidentales n’avaient pas abandonné le préalable de la suspension et la réponse du régime de Téhéran n’avait pas été conciliante en raison du poids des sanctions.
2009 : le rebondissement d’une seconde unité d’enrichissement à Fordo
Le 22 septembre 2009, à la veille d’une Assemblée Générale de l’ONU, les autorités de Téhéran informèrent l’AIEA de la construction d’une seconde unité d’enrichissement à Fordo près de la ville sainte de Qom. L’annonce fit l’effet d’une bombe, les États-Unis, le Royaume-Uni et la France accusant à nouveau l’Iran de dissimulation. La seule justification pouvait être de disposer d’une installation de repli si Natanz était bombardé comme il en est régulièrement question.
Ce motif et cette justification furent clairement énoncés par l’ambassadeur iranien auprès de l’AIEA, Ali Asghar Soltaniyeh : “L’Iran n’avait pas d’autre choix que de disposer d’un plan d’urgence à cause des menaces continuelles d’attaques militaires dont il est l’objet. Par conséquent, l’Organisation de Défense Passive a remis à l’Organisation de l’Énergie Atomique d’Iran ce site et il avait été en fait construit dans ce but”.
Une première inspection de l’AIEA eut lieu le 25 octobre 2009, un mois environ après l’annonce du site. Dans le rapport qui suivit, l’AIEA expliquait que le site de Fordo en était à un stade avancé mais aucune centrifugeuse n’y avait encore été installée.
Le document n’avançait aucun chiffre quant à la capacité future d’enrichissement de Fordo. D’après un responsable international proche du dossier, l’installation semblait à même de produire une tonne d’uranium enrichi par an, ce qui ne serait pas suffisant pour alimenter les réacteurs nucléaires civils, mais le serait pour une ogive atomique.
Au début de janvier 2012, le chef de l’Organisation iranienne de l’énergie atomique (OIEA), Fereydoun Abbassi Davan, annonçait avoir mis en route le nouveau site d’enrichissement de Fordo. L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) confirmait le 9 janvier, que l’Iran avait commencé à produire de l’uranium enrichi à un niveau de pureté allant jusqu’à 20 % pour son réacteur médical de Téhéran.
-1) : Fordo – Enrichissement de l’Uranium à 20 %
-2) :Nucléaire iranien 2002-2011
Chronologie nucléaire iranien : 2008-2009, 2006-2007, 2003-2005
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