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Incertitudes sur l’existence d’effets des faibles doses

Les médecins appellent faibles doses des expositions inférieures à une centaine de millisieverts (mSv) et très faibles doses des expositions de quelques mSv, comparables à celles auxquelles sont naturellement soumis les êtres vivants. Une maximum de 100 millisieverts semble beaucoup pour caractériser les faibles doses, mais aucun effet nuisible n’a été observé chez l’adulte pour des doses inférieures à 200 mSv et chez l’enfant pour des doses inférieures à 100 mSv, ni aucune malformation pour des doses inférieures à 200 mSv.

Implications d’un effet de seuil
Si l’on admet la proportionnalité entre la dose et l’effet, même des doses très faibles conduiraient à des cancers. L’exposition à la radioactivité naturelle (2,5 mSv en moyenne), aux rayonnements des examens médicaux (1 mSv) ou à l’industrie nucléaire (0.010mSv) provoqueraient aussi quelques milliers de cancers par an en France. Par contre, si les rayonnements ionisants n’ont pas d’effets biologiques au-dessous d’une centaine de millisieverts, ces nombres tomberaient pratiquement à 0. Des modèles plus progressifs prédisent une diminution moins spectaculaire mais encore importante, car les doses d’expositions du public sont généralement faibles.
© IN2P3

L’absence d’observations prouvées ne signifie pas une absence d’effets des rayonnements ionisants. Elle signifie que ces effets sont trop faibles pour se manifester d’une manière claire. Les experts de radioprotection en sont réduits à supputer l’effet des radiations dans le domaine des faibles et très faibles doses. Ce vaste domaine – il va d’un centième de mSv à une centaine de mSv – nous concerne au premier chef, car il est celui des expositions courantes.

Il n’existe pas d’outils ou d’examens permettant d’attribuer un cancer à une exposition à la radioactivité survenue des années plus tôt. Une exception a été les cancers de la thyroïde qui ont touché des enfants et adolescents près de Tchernobyl, car ces cancers sont très rares à cet âge de la vie.

Des techniques avancées comme l’immunofluorescence ont montré une augmentation de “cassures double brin ” dans l’ADN des cellules vivantes après un scanner. Ces cassures fréquentes ont bien d’autres origines que l’exposition aux rayonnements et la plupart du temps elles sont réparées. Mais certaines réparations mal faites transformeraient des cellules saines en cellules cancéreuses. Le lien entre cette radiosensibilité et les risques de cancers n’est malheureusement pas connu.

Pour revenir aux risques de cancer “radio-induit” le risque est certainement nul quand la dose est nulle. Pour les doses importantes, les radiobiologistes disposent des études « épidémiologiques » effectuées sur des cohortes de personnes fortement irradiées comme les survivants d’Hiroshima et Nagasaki. Faute de données intermédiaires, ils représentent la relation entre le risque de cancers et la dose d’exposition subie, par une ligne droite passant par l’origine et les données obtenues à partir des survivants d’Hiroshima et Nagasaki.

Telle est la règle adoptée depuis le début des années 1960 par la Commission Internationale de Protection Radiologique (CIPR) pour évaluer l’effet des radiations dans le domaine des faibles doses. Elle porte le nom de “relation linéaire sans seuil”. Elle ne tient pas compte de la radiosensibilité qui varie d’un individu à l’autre.

La règle de la CIPR n’est pas une loi scientifique mais un outil créé pour des besoins réglementaires et la radioprotection. Il convient de l’appliquer avec circonspection. Certains radiobiologistes pensent que le scénario est pessimiste. Des mécanismes qui interviennent pour réparer le génome (mécanisme de sauvegarde de l’ADN, élimination de cellules lésées incapables de se diviser, etc…) limiteraient efficacement les séquelles quand les agressions subies par les cellules restent modérées.

D’après Maurice Tubiana, qui fut un des pionniers de l’usage des isotopes radioactifs : « Les agressions dues aux rayonnements ne sont qu’une source parmi d’autres. Le métabolisme normal d’une cellule causent, chaque jour, dans les molécules d’ADN environ 17 000 lésions dont 10 000 cassures de l’un des deux brins et 8 cassures de deux brins. Les cassures d’un seul brin sont facilement réparées car la cellule prend comme modèle le brin intact. La réparation des cassures de deux brins est beaucoup plus difficile puisque les deux brins sont lésés ». (“L’Effet des faibles doses” – Dossier du Nucléaire, La Jaune et la Rouge, nov/2001)

Les doses d’irradiation pourraient n’avoir pas d’effets au-dessous d’un certain seuil, les risques sanitaires n’apparaissant qu’au-delà. Si un tel seuil existe, certains biologistes pensent qu’il serait d’une centaine de millisieverts.

Un effet de seuil aurait d’importantes implications qui expliquent l’intensité des débats qui entourent la question des faibles doses. Le sujet n’est pas académique : sur les 340 000 évacués de la région de Tchernobyl qui ont subi une irradiation moyenne de 30 mSv, la ligne droite de la CIPR prédit que 510 souffriront d’un cancer dû aux radiations ; en cas de seuil aux alentours de 50 à 100 mSv, le nombre de cancers tomberait à 0.

Autre exemple : selon la relation de la CIPR, le risque est double d’habiter Clermont-Ferrand plutôt que Paris car la radioactivité naturelle y est deux fois plus élevée à proximité du Puy de Dôme. En pratique, seuil ou pas seuil, l’exposition à la radioactivité naturelle est si minime que l’on peut vivre sans craintes à Clermont-Ferrand !