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La clé de l’énigme : des métamorphoses de neutrinos

Les neutrinos sont soumis aux seules interations faibles. Il en existe 3 espèces : neutrino-électron partenaire de l’électron ; neutrino-mu associé au muon, analogue lourd et instable de l’électron ; neutrino-tau associé au tau, un corpuscule encore plus lourd et instable que le muon. Leurs masses sont voisines, proches de 0. Les trois espèces sont distinctes quand elles sont produites.

Les interactions faibles possèdent de multiples particularités, fascinantes aux yeux de ceux qui les étudient. Pour expliquer le déficit observé des neutrinos solaires, les physiciens eurent l’idée que les espèces de neutrinos pouvaient se métamorphoser l’une dans l’autre au cours de temps. Les neutrinos oscilleraient. Ainsi un neutrino solaire né neutrino-électron dans le soleil pourra être devenu neutrino-mu ou tau à son arrivée sur Terre.

Les neutrinos produits dans le soleil sont des neutrinos-électrons, à même d’interagir dans les détecteurs terrestres. Les deux autres espèces de neutrinos – neutrino-mu et neutrino-tau – n’interagissent pratiquement pas.

L’hypothèse d’oscillations de neutrinos fut avancée, notamment à l’occasion des travaux effectués en 1999 par l’expérience sur Kamiokande près de Tokyo conduite par Masatoshi Koshiba. Si durant les 8 minutes que les neutrinos solaires mettent pour parvenir du soleil, une fraction importante d’entre eux se transforment en neutrinos mu ou tau échappant à la détection, on observera d’autant moins d’interactions.

Métamorphose des neutrinos
Deux neutrinos-électron produits dans le Soleil traversent l’espace pour atteindre sur la Terre un observatoire de neutrinos. Le premier (colorié en rose) est encore un neutrino-électron quand il traverse l’observatoire pour y être détecté. Lors de son trajet, le second se transforme en neutrino-mu, une autre espèce de neutrino (colorié en vert) qui n’est pas détectée par l’observatoire. Les métamorphoses des espèces de neutrinos entre elles conduisent à un déficit des neutrinos-électron observés.
© IN2P3

Il restait à vérifier que ce phénomène d’oscillations proposé par des théoriciens était bien réel. La confirmation vint des données prises de 1999 à 2006 par le Sudbury Neutrino Observatory (SNO), un observatoire construit au Canada dans l’Ontario à plus de 2000 mètres sous terre. Une impressionnante caverne y héberge le détecteur composé de 1000 tonnes d’eau lourde enfermées dans un récipient de plastique acrylique entouré d’eau ordinaire très pure ; 9 600 photomultiplicateur décèlent les petits cônes de lumière Cherenkov des électrons propulsés lors d’une collision avec des neutrinos.

Grâce à l’eau lourde, l’expérience évalua le nombre total de neutrinos solaires et pas seulement celui des neutrinos électroniques comme ses devancières. Une réaction particulière sur les noyaux de deutérium de la cible, permettait en effet de détecter les trois espèces de neutrinos. (NB : l’expérience SNO exploite le seul mode d’interaction ouverts aux neutrinos-mu et neutrinos-tau, la collision élastique avec un électron). En faisant la somme des trois espèces, le déficit par rapport à ce qui est attendu disparaissait.

Les résultats établirent qu’une partie des neutrinos solaires électroniques se transformaient bien en neutrinos mu et tau au cours de leur périple vers la Terre. L’énigme du déficit des neutrinos solaires avait trouvé sa solution.

En octobre 2002, prix Nobel de physique fut attribué à Raymond Davis et Masatoshi Koshiba, les deux pionniers de cette exploration de près de quarante ans, et à travers eux à tous les acteurs de ces recherches obstinées. Treize ans plus tard, le prix Nobel de physique 2015 a été attribué à deux chercheurs Japonais et américain, Takaaki Kajita et Arthur B. McDonald, pour leurs travaux mettant en évidence les oscillations des neutrinos, permettant aussi de confirmer que ces particules possédaient une masse.

TV7 – L’invité du journal

Interview sur TV7, chaîne locale bordelaise, de M. Frédéric Perrot à l’occasion du prix Nobel de Physique 2015 attribué à des travaux sur les neutrinos. Enseignant-chercheur au Centre d’Etudes Nucléaire de Bordeaux Gradignan, Frédéric Perrot est spécialiste des neutrinos.

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